Pourquoi préférer la médiation au procès en cas de conflit ?
Je vous invite à comprendre pourquoi en lisant mon article paru dans la revue Copropriété + le 1 janvier 2024.
En société, le conflit est inévitable. Tout être humain aura, un jour ou l’autre, à gérer une situation conflictuelle. Parfois toute simple, parfois complexe et lourde de conséquences.
Le conflit est présent dans toutes les sphères de la société, et le monde de la copropriété n’y échappe pas :
- Problème entre copropriétaires dû à un trouble de voisinage;
- Problèmes de fonctionnement au sein du conseil d’administration;
- Litige à la suite d’un incident survenu dans une unité privative, affectant d’autres unités;
- Problèmes liés au non-respect des obligations des administrateurs;
- Litige avec un assureur à la suite d’un accident; Litige avec le promoteur et l’entrepreneur pour malfaçon;
- Et bien d’autres causes !
Le procès et ses aléas
Quand un conflit survient, le principal réflexe est de se tourner vers les recours judiciaires en transmettant une mise en
demeure et en judiciarisant le dossier devant les tribunaux. La culture du débat contradictoire (j’ai raison et tu as tort) est bien ancrée dans notre société, et cela depuis fort longtemps.
Bien que la judiciarisation des dossiers et le recours aux tribunaux soient parfois utiles et même nécessaires, s’agit-il toujours d’un moyen efficace? Est-ce toujours adapté aux besoins des parties? Est-ce équitable à tout coup?
Dans les faits, il n’y a rien de plus incertain que le sort d’un procès. Compte tenu des nombreux aléas reliés à cette procédure, aucun avocat ne pourra garantir le succès de celui-ci à son client. Un juge, s’adressant un jour à son auditoire dans une salle de cours disait : «Ma salle est pleine de personnes de bonne foi, qui croient fermement avoir raison et pouvoir gagner leurs causes. Or, la moitié d’entre elles se trompent, car à la fin de
cette journée, pour chaque dossier que je vais entendre, il y aura un gagnant et un perdant.»
En plus d’être incertain, le procès peut engendrer un fardeau financier important pour les parties, sans parler des délais potentiels. Une fois le processus entamé, plusieurs procédures peuvent devoir être déposées, et plusieurs interventions à la cour peuvent être nécessaires. Dû à l’encombrement des tribunaux, il peut arriver dans certains districts que les parties doivent patienter entre 3 et 4 ans avant de pouvoir présenter leur dossier à un juge et obtenir un jugement.
Le décrochage judiciaire
Au Québec, nous assistons depuis les dernières décennies à un phénomène documenté qu’on nomme le décrochage
judiciaire. Cette situation se présente lorsque les individus n’ont tout simplement pas les moyens financiers d’entamer un recours judiciaire, ou lorsque ceux-ci se représentent seuls. Le système judiciaire est devenu un luxe pour le justiciable au revenu moyen, ou la petite et moyenne entreprise.
Dans certains cas, il n’est tout simplement pas rentable d’en-
tamer des procédures judiciaires compte tenu des coûts et des délais estimés pour se rendre à procès. Cette situation force alors certaines personnes à renoncer à leurs droits. C’est le cas notamment dans les dossiers de vices cachés, pour lesquels les montants en jeu ne sont parfois pas assez élevés pour justifier un tel recours. Il n’est pas rare de voir la multiplication des appels en garantie visant à créer une cascade contre les anciens propriétaires pour se rendre jusqu’à l’en-
trepreneur. Le recours à des experts et le nombre important de parties impliquées au dossier complexifient la procédure, faisant augmenter les délais et les coûts… parfois même jusqu’à rendre illusoire la perception d’une somme pour réparer le vice. S’ajoutent à ces facteurs imprévisibles (coût, délai et résultat) des impacts indirects au niveau émotif et relationnel. La plupart des personnes vivant un conflit ressentent une panoplie d’émotions inconfortables et de stress, menant parfois jusqu’aux problèmes de santé physique. D’un point de vue relationnel, le recours au procès peut exacerber les positions des parties et nuire de façon définitive à leurs relations interpersonnelles. De plus, la préparation d’un procès demande un investissement de temps et d’énergie considérables. Pendant que les parties se battent sur une situation passée, elles ne peuvent consacrer leur énergie aux défis quotidiens et au développement de nouveaux projets. Bref : elles sont incapables de passer à autre chose! Heureusement, le recours aux tribunaux n’est pas le seul choix qui s’offre aux parties! Plusieurs autres modes de règlement de conflits peuvent être utilisés et offrir des solutions avantageuses. Pour favoriser l’accessibilité à la justice, et pour contrer entre autres le décrochage judiciaire, le législateur a modifié en 2016 le Code de procédure civile du Québec’ (C.P.C.) afin d’y introduire le concept de la justice privée et participative dont la médiation fait partie. En fait, dans le nouvel esprit du C.P.C., le recours au procès devrait être l’ultime recours.
La médiation: une méthode gagnant-gagnant?
La médiation est un processus volontaire, dans lequel une personne neutre —le médiateur —aide des parties en litige à convenir de leur propre règlement. Le médiateur ne décide pas à la place des parties comme le ferait un juge ou un arbitre. La médiation permet aux parties de conserver le pouvoir sur leur dossier, sans se limiter aux règles de droit et de preuve qui font trop souvent abstraction à l’équité et au volet humain présents dans les litiges. Étonnamment, dans le cadre d’un processus de médiation, les parties possèdent un plus grand pouvoir sur l’issue de leur litige que si un juge devait trancher. En effet, dans sa prise de décision, le juge est limité à rendre celle-ci sur la base des lois et des règles applicables. Dans la médiation, les parties peuvent être créatives et convenir de ce qu’elles veulent, pour autant qu’il n’y ait pas d’abus, ou que les solutions retenues ne contreviennent pas à l’ordre public. L’entente intervenue peut être écrite et avoir la même valeur qu’un jugement entre les parties. Comme les parties participent elles-mêmes à l’élaboration des termes de l’entente, le taux de respect des engagements convenus est très élevé. Advenant que l’entente ne soit pas respectée, il est possible pour une partie de demander l’homologation de celle-ci à un juge, obligeant l’autre partie à respecter ladite entente. Par exemple, nous pourrions citer le cas d’une personne en défaut de paiement qui ferait l’objet d’une saisie.
Le rôle du médiateur
Dans le cadre de la médiation, le médiateur est présent pour chacune des parties. Il facilite la communication, assure le respect dans les échanges, encourage le partage d’informations, et supporte les parties dans l’élaboration de solutions efficaces et réalistes qui répondent à leurs besoins et à leurs intérêts. La médiation permet de couvrir tous les aspects entourant le conflit, dont les facettes relationnelles et émotives. Bien que la médiation ne soit pas une thérapie, elle facilite entre autres la préservation de bonnes relations entre les parties. De plus, elle offre souvent la possibilité de mettre en place des mécanismes qui amélioreront leurs relations dans le futur.
La flexibilité et rapidité de la médiation
La médiation est un processus simple et rapide, et il y a peu de formalisme l’entourant. Ainsi, le médiateur peut adapter son approche en fonction des attentes et des besoins des parties. Le médiateur peut procéder en personne, à distance, et même en mode hybride pour limiter les déplacements et réduire les frais. Dans les règles de l’art, le médiateur fera une offre de service décrivant sa méthode, ses honoraires et ses échéances, offrant ainsi une prévisibilité rassurante. Compte tenu de la flexibilité qu’offre la médiation, les dossiers peuvent être réglés en quelques semaines, libérant les parties du stress du litige, et leur permettant d’utiliser leur énergie à d’autres usages. Dû à sa rapidité, le processus de médiation est peu coûteux si on le compare aux coûts engendrés par un procès. À moins d’une entente particulière, les parties paient à parts égales les frais du médiateur qu’ils auront choisi d’un commun accord. Les parties peuvent participer seules à la médiation, ou être accompagnées par leurs procureurs ou toute autre personne de leur choix.
Des mythes à déconstruire
Bien que la médiation existe depuis des décennies, elle demeure encore méconnue, faisant l’objet de trop de préjugés. Certains croient encore qu’en utilisant la médiation, ils devront couper la poire en deux, et qu’ils seront forcés d’en venir à un règlement. D’autres craignent devoir admettre leur responsabilité, avoir à s’excuser, ou démontrer de la faiblesse s’ils proposent d’aller en médiation. Dans les faits, aller en médiation c’est faire preuve de courage. C’est accepter de s’asseoir avec une personne avec qui on ne s’entend pas, et vouloir tenter de résoudre le conflit en présence d’une personne neutre ayant à cœur l’intérêt des deux parties. C’est faire confiance au médiateur pour permettre de rétablir un niveau de communication constructif favorisant l’émergence de solutions.
Un changement de culture prometteur pour l’avenir
En 2024, alors que les tribunaux sont engorgés et que les litiges se multiplient, il est essentiel que les ressources financières et humaines soient utilisées à bon escient, à la fois par les particuliers et les institutions. Il est nécessaire que la culture judiciaire traditionnelle évolue et donne l’espace nécessaire à la médiation, cette voie si importante et prometteuse pour l’avenir.